jeudi 9 janvier 2014

Arthur Rimbaud

En septembre 1885, Arthur Rimbaud se voit proposer un marché par le français Pierre Labatut, un trafiquant établi au Choa, royaume abyssin de Ménélik II. Voyant là l'opportunité de faire fortune, et de changer le cours de sa vie tout en ayant un rôle géo-politique à jouer, il n'hésite pas à s'associer avec lui pour acheter des armes (plutôt dépassées) et des munitions en Europe. Ainsi ils comptent réaliser de substantiels bénéfices en satisfaisant une commande du monarque, (qu'ils auront de cette façon contribué à établir comme unificateur de la région). Après avoir conclu cet accord, Arthur rompt brutalement le contrat qui le lie avec la Maison Bardey. Quant à Mariam, elle est renvoyée dans son pays avec quelques Thalers en poche. Fin novembre, Rimbaud débarque dans le petit port de Tadjourah, en terre Dankalie, pour monter une caravane en attendant que les armes soient réceptionnées à Aden par Labatut. Lorsque ce dernier arrive fin janvier 1886 avec le chargement (deux mille quarante fusils et soixante mille cartouches), l'organisation de la caravane rencontre des difficultés. D'abord entravés par les exigences financières du sultan qui tire profit de tous convois en partance, les voilà empêchés d'entamer leur expédition à la mi-avril : l'interdiction d'importer des armes vient d'être signée entre Anglais et Français. Les deux associés écrivent alors au ministre des Affaires étrangères le 15 avril pour se sortir de cette impasse. Ils obtiennent gain de cause mais tout est remis en question quand Labatut, atteint d'un cancer, est obligé de rentrer en France (il mourra en octobre suivant). Muni d'une procuration de Pierre Labatut, Rimbaud se tourne vers Paul Soleillet, célèbre commerçant et explorateur, qui lui aussi attend une autorisation pour faire partir sa caravane. En associant leurs convois, ils s'assurent d'une meilleure sécurité pour la traversée du territoire des redoutables guerriers Danakils. Hélas, ils ne partiront pas ensemble : frappé d'une embolie, Soleillet meurt le 9 septembre. Se retrouvant seul, Rimbaud part en octobre, à la tête de sa caravane composée d'une cinquantaine de chameaux et d'une trentaine d'hommes armés. La route pour le Choa est très longue : deux mois de marche jusqu'à Ankober. ». Sur ces entrefaites, en France, Illuminations et Une saison en Enfer sont parus dans les numéros de mai à juin et de septembre de la revue symboliste La Vogue. Après avoir traversé, les terres arides des tribus danakils sous une chaleur implacable, le convoi franchit la frontière du Choa sans avoir été attaqué par les pillards. Et c'est dans un environnement verdoyant que la caravane atteint Ankober le 6 février 1887. Rimbaud y trouve l'explorateur Jules Borelli. Ménélik est absent ; parti combattre l'émir Abdullaï pour s'emparer d'Harar. Rimbaud aussitôt arrivé, les chameliers, un créancier de Labatut et la veuve abyssinienne de ce dernier, viennent lui réclamer avec insistance ce qui leur est soi-disant dû. Agacé par leur rapacité, il refuse de céder à leurs demandes. Ils s'en plaignent auprès de l'intendant du roi qui abonde en leur sens et le condamne à verser les sommes demandées. Au lieu d'Ankober, Ménélik va revenir en vainqueur à Entoto. Rimbaud se rend là bas avec Borelli. Sur place, en attendant l'arrivée du roi, Rimbaud entre en contact avec son conseiller, un ingénieur Suisse nommé Alfred Ilg avec qui il entretient de bons rapports. Suivi de sa colonne armée, Menelik arrive triomphalement le 5 mars. Il n'a plus vraiment besoin d'armes ni de munitions, car il en ramène en grande quantité. Il accepte néanmoins de négocier le stock à un prix très inférieur à celui escompté. De surcroît, il ne se prive pas d'exploiter la disparition de Labatut à qui il avait passé commande, pour retrancher du prix la somme de quelques dettes supposées. Suivant cet exemple, « toute une horde de créanciers » (réels ou opportunistes) de Labatut, viennent le harceler pour être remboursés à leur tour. Menelik n'ayant pas d'argent pour le payer, Rimbaud est contraint d'accepter un bon de paiement devant lui être réglé à Harar par le ras Makonnen, cousin du roi. Pour qu'il aille au plus court pour toucher son argent, Menelik lui donne l'autorisation de prendre la route qu'il a ouverte à travers le pays des Itous. Cette route étant inexplorée, Borelli demande au roi la permission de l'emprunter. Rimbaud quitte donc Entoto le 1er mai, en compagnie de Borelli. L'itinéraire traverse des régions inexplorées. Leurs observations et descriptions sont scrupuleusement relevées et consignées à chaque étape. Jules Borelli les retranscrira dans son journal de voyage. Rimbaud, pour sa part, transmettra ses notes à Alfred Bardey qui les communiquera à la Société de Géographie (lettre à Bardey du 26 août 1887). Au bout de trois semaines la caravane arrive à Harar. Borelli retourne à Entoto quinze jours après. Rimbaud lui, doit attendre pour se faire payer mais le ras n'a pas d'argent et transforme son bon de paiement par deux traites payables à Massaouah. Après avoir repris la route en direction de Zeilah, Rimbaud regagne Aden le 25 juillet. Il fait un compte-rendu détaillé de la liquidation de sa caravane au vice-consul de France, Émile de Gaspary. Résultat de « cette misérable affaire » : une perte de 60 % sur son capital, « sans compter vingt et un mois de fatigues atroces ».

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