Jules Brunet, né le 2 janvier 1838 à Belfort et mort le 12
août 1911 à Fontenay-sous-Bois, est un officier militaire français dont le
point culminant de la carrière est son activité lors d'une mission d'instruction
au Japon. En effet, suite aux difficultés du Shogun qui conservait encore pour
un temps le pouvoir politique, cet instructeur d'artillerie venu moderniser son
armée de samouraïs, se joignit ensuite à ses troupes contre le nouveau pouvoir
impérial nippon.
Le shogun a, en effet, mesuré le retard pris dans la modernisation
de son pays. Les puissances occidentales avaient imposé à Yoshinobu Tokugawa
des traités qui sont, à l'instar de ceux passés naguère avec la Chine, jugés «
inégaux », et qui ont fini par soulever des troubles à travers le pays et une
vague de xénophobie. Les États-Unis d'Amérique, les Pays-Bas et la Russie s'en
tiennent à une prudente neutralité. La Grande-Bretagne, de son côté, aide en
sous-main les « clans de l'ouest », favorables au nouvel empereur (ou Tennō)
Meiji qui ne représente encore que la puissance religieuse ; tandis que la
France, toujours désireuse d'aider le Japon à s'industrialiser depuis le traité
de paix, d'amitié et de commerce de 1858 et le succès de l'Exposition
universelle de 1867, s'engage, pour contrecarrer les visées britanniques, sous
l'impulsion de son ambassadeur Léon Roches, à soutenir le shogun, qui vient de
subir les représailles des autres Occidentaux après une vague d'attentats à l'encontre
de leurs résidents et de leurs comptoirs.
Le capitaine Brunet, personnalité affable, communicative et
d'une vive intelligence, va saisir rapidement les subtilités de la culture
japonaise et subjuguer ses élèves artilleurs. C'est un bel homme qui en impose
par une élégante stature (1,85 m), il s'exprime bien (il a un talent d'écrivain
reconnu) et il a des goûts artistiques très développés qui ne déplaisent pas
aux samouraïs (il excelle dans le dessin). Une solide fraternité d'armes se
crée entre eux.
Cependant, dès novembre, devant l'urgence de la situation,
le shogun, ne croyant plus rattraper son retard, abandonne sa fonction
shogunale au profit du jeune empereur Meiji avec l'espoir d'installer un
gouvernement composé des seigneurs locaux (les daimyo) ; mais ce pouvoir
collégial ne peut empêcher le coup d'État des partisans « réformistes » qui
rétablissent, le 3 janvier 1868, le modèle de « l'ancienne monarchie ».
Yoshinobu Tokugawa est poussé à prendre les armes par ses samouraïs, inquiets
de perdre définitivement leurs prérogatives. Débute la guerre dite guerre du
Boshin qui voit, le 27 janvier, les armées du shogun dispersées malgré leur
large supériorité numérique par une force impériale déjà entièrement modernisée
par les concurrents. Yoshinobu Tokugawa, après cette première défaite, se
réfugie à Edo. Repoussant le plan de revanche de Léon Roches, il capitule le 27
avril à Edo qui est conquise, et se retire à Mito. La France dépitée rappelle
son ambassadeur, se voit contrainte de proclamer sa neutralité et la mission
Chanoine qui est désormais indésirable et sommée de quitter le territoire, se
replie sur Yokohama pour être rapatriée en novembre.
De son côté, Brunet, empreint d'une éthique toute militaire
refuse de revenir afin de continuer à « servir la cause française en ce pays »,
car il estime de son honneur de ne pas abandonner le shogun et ses fidèles
samouraïs, des frères d'armes qu'il avait instruits. « […] j'ai décidé que
devant l'hospitalité généreuse du gouvernement shogunal, il fallait répondre
dans le même esprit ». Mais Chanoine refuse sa démission et Brunet se retrouve
dans une situation fausse. Le ministère de la guerre le placera finalement en
congé d'un an sans solde le 6 février 1869, régularisant implicitement sa
situation, mais en précisant qu'au Japon où il est toutefois autorisé, il n'aura
désormais que le statut d'un simple particulier. Brunet a, semble-t-il,
bénéficié d'un esprit de solidarité de corps. D'ailleurs, Roches continue de
plaider auprès de l'Empereur la cause du shogun et huit officiers camarades de
Brunet partiront le rejoindre. Les forces impériales, en surnombre, ont
maintenant, grâce à leur artillerie lourde, la mainmise sur l'île de Honshu.
Les troupes du shogun pour mieux résister se retranchent à Hakodate, sur l'île
de Hokkaidō, et fondent le 25 décembre 1868, l'éphémère République d'Ezo dont
Takeaki Enamoto est élu président. Brunet, conseiller militaire du ministère de
la guerre, organise la défense et reprend l'instruction des soldats, jusqu'à la
survenue de l'armée de l'empereur qui commence, le 30 juin, l'assaut de l'île
par terre et par mer. Les quelque huit cents assiégés d'une infériorité
irrémédiable doivent capituler. Brunet et les officiers français sont récupérés
juste à temps par un aviso envoyé pour les soustraire aux représailles des
vainqueurs (la torture est coutumière au Pays du soleil levant).
Officiellement, la France félicite le Mikado d'avoir rétabli
l'ordre dans le pays mais n'acceptera pas de rendre l'officier qui a aidé les
rebelles, sous prétexte qu'il est aux mains d'une autorité militaire
indépendante. Rentré à Paris, Brunet reçoit un blâme réglementaire pour
ingérence dans les affaires politiques d'un pays étranger, et son ministère le
retire des officiers d'active par « suspension d'emploi ». Napoléon III approuve
cette sanction, le 15 octobre. La France laisse courir le bruit que Brunet,
passé en conseil de guerre, a été révoqué. En réalité, Brunet n'a pas été
formellement désapprouvé mais il est en quelque sorte condamné à la discrétion
absolue. Ainsi, dès le 26 février 1870, soit cinq mois avant que le Japon s'estime
officiellement satisfait de la punition, Brunet est le directeur adjoint de la
manufacture d'armes de Châtellerault, nomination qui n'a pas été insérée au
Journal officiel. Dans le même temps, il contracte un beau mariage qui lui
apporte une dot de cent mille francs et son ancien supérieur, le capitaine
Chanoine, est son témoin. À aucun moment, son équipée japonaise ne lui sera
reprochée.
Jules Brunet a en partie inspiré le personnage Nathan Algren
interprété par Tom Cruise dans le film Le Dernier Samouraï (2003) d'Edward
Zwick
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