Un Geek, francisé en allumé, est un terme d'argot américain,
qui désigne une personne extrêmement pointue dans un domaine précis, plus
souvent utilisé pour les domaines liés aux « cultures de l'imaginaire ». Du
fait de ses connaissances pointues, le geek est parfois perçu comme trop
cérébral. Le mot a été peu à peu utilisé au niveau international sur Internet
de manière revendicative par les personnes s'identifiant comme tel. Le terme a
alors acquis une connotation méliorative et communautaire.
Avec le succès des gadgets de techniques avancées, une
personne qui aime de tels objets voudra s'autoproclamer « geek », bien que cela
ne corresponde ni au sens premier (péjoratif) ou second (passionné) du terme.
L'archétype classique du geek est celui de l'adolescent passionné d'électronique
ou d'informatique. Cette passion s'exprime concrètement à travers de nombreuses
activités, telles que le jeu de rôle, le cinéma, les séries télévisées, les
jeux vidéo, la bande dessinée, lemanga ou encore la programmation informatique.
Il y a souvent confusion entre les geeks, les nolifes, les Gamers et les nerds.
Selon l'Oxford American Dictionary, l'origine du mot se
trouve dans le moyen bas-allemand geck, qui désigne un fou, un espiègle, et du
néerlandais gek qui désigne quelque chose de fou (ik ben gek, littéralement «
je suis fou »).
Dans le Nord et l'Est de la France, il existe le mot patois
gicque, qui désigne un fou de carnaval ; en Alsace, lors des défilés de
carnaval, on porte des shellekapp, gickeleshut ou bien des bonnets de gicque,
avec des pointes et des clochettes. Lors des bals du Carnaval de Dunkerque, des
rondes de gicques sont effectuées. Le gille désigne en France au xviiie siècle
un individu « niais, nigaud, benêt », du nom deGilles le Niais, acteur du
théâtre de la Foire qui se produisait à Paris dès 1640. Par extension, c'est un
ancien personnage de la comédie burlesque, représentant le type du niais ; il
est dit « faire le gille »,« jouer le gille », etc. Si le gicque peut être
plutôt assimilé au nolife, le gille, figure de l'adolescent perdu dans son
univers imaginaire (Pierrot de Watteau, anciennement appelé Le Gille, ou
Gilles) est plus proche du geek actuel. En Belgique, le gille est un personnage
traditionnel du carnaval de Binche.
Au xviiie siècle, dans l'Empire austro-hongrois, les cirques
ambulants présentaient déjà des gecken, des monstres de foire (personnes avec
des déformations, femmes à barbe, etc.). De nombreux arrêtés municipaux
interdisaient à ces bateleurs de pénétrer dans les villes avec leurs monstres
ou les obligeaient à les faire coucher avec les bêtes dans les granges. Vers la
fin du xixe siècle, en Amérique du Nord, dans les foires, on a commencé à
présenter des geek dans les side-shows, ces expositions annexes aux spectacles
de cirque. On y présentait souvent des freaks, c'est-à-dire des monstres de
foire, des personnes ayant un handicap étrange ou une déformation physique
vraie ou fausse. Dans ce « bestiaire », le geek était souvent une personne
handicapée mentale (syndrome de Down) ou bien un artiste de cirque ne pouvant
plus participer aux numéros habituels. Il se tenait généralement nu ou vêtu de
peaux de bêtes dans une cage, couvert de boue, et rugissait et secouait les
barreaux de la cage pour effrayer les visiteurs ayant payé pour le voir. Il
était présenté comme le « chaînon manquant », comme l'« homme sauvage » capturé
en forêt. Parfois on lui faisait égorger ou décapiter des poulets avec ses
dents et le geek devait faire semblant de boire leur sang. Dans sa trilogie
romanesque The Deptford Trilogy, l'auteur Robertson Daviesdécrit sa rencontre
avec un artiste de cirque alcoolique forcé à faire le geek dans une cage.
Aux États-Unis, le terme va ensuite être appliqué aux gens
décalés et bizarres, qui ne s'intègrent pas dans la société. Dans les années
1920, des auteurs comme Meyer Levin, Upton Sinclair ou Truman Capote utilisent
le terme pour désigner des hommes solitaires et un peu fous que l'on peut voir
rentrer chez eux les vêtements négligés, les cheveux en désordre et absorbés
dans leurs pensées. Ce n'est que vers les années 1960, avec le développement
des calculatrices puis des ordinateurs, que le terme a commencé à s'utiliser
pour parler des « forts en maths » et autres « intellos » en sciences et
technologies qui - dans les lycées et les universités - ne s'intéressaient pas
à la plupart des activités de leurs camarades. « Au départ, le terme vient de
l'américain freak, monstre de foire », explique David Peyron, réalisant une
thèse en sociologie sur la culture geek. « Dans les lycées, c'étaient les
intellectuels mis de côté. Comme ils étaient isolés, ils se sont réfugiés dans
des mondes imaginaires ».
En 1981, le journal Libération publie un feuilleton intitulé
Arnold, le Geek de New-York de Jérôme Charyn et Michel Martens. Le terme de
geek est alors employé comme synonyme de monstre (freak) et son apparition dans
un pays (qui découvre tout juste le Minitel) a alors généré des interrogations
savantes sur le sens qu'il convenait de lui donner et les usages qu'on pouvait
en faire. Plus récemment, le terme « geek » a commencé à désigner des individus
qui investissent beaucoup de temps dans une passion dévorante pour le domaine
de l'informatique, parfois aux dépens de leur vie sociale ; ce qui pouvait
apparaître effectivement comme un peu monstrueux dans des années 1990 où le
nolife n'était pas encore formulé. Cependant les deux termes ont toujours
tendance à être confondus.
Le terme s'est rapidement développé depuis l'émergence des
nouvelles techniques à la fin des années 1950, ne désignant plus quelqu'un
possédant une simple passion pour l'informatique, mais une passion pour
plusieurs domaines différents parmi lesquels la science-fiction ou le
fantastique. Avec l'émergence de la génération Y, familiarisée en masse avec la
culture du jeu vidéo, cette culture geek, perçue jusque-là comme minoritaire et
péjorative, tend à se populariser auprès de la population et des médias.
Depuis le début du xxie siècle, les multiples définitions
qui furent attribuées au terme geek peuvent se résumer par leur point commun :
le geek est celui qui s'évade grâce à son imaginaire, c'est-à-dire qui se
divertit grâce à celui-ci, en se passionnant pour des domaines précis
(science-fiction, fantastique, informatique…) dans lesquels il aura une
connaissance très précise, et en s'insérant au sein de communautés actives de
passionnés.
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